D’abord ce fut un son qui l’aida à émerger. Le martèlement de la pluie, comme une armée de rats au pas de course. Lex ouvrit les yeux et se redressa lentement. La nuit était tombée dehors, mais la pièce semblait telle qu’avant son évanouissement. La douleur dans sa tête s’était amenuisée mais restait là, tapie, prête à sourdre au moindre effort.
Vant s’était volatilisé.
Il n’a tout de même pas réussi à… se téléporter ?
Avec la quantité de magie qui avait saturé la pièce, ça n’aurait rien eu d’étonnant, même si ce type de sortilège était oublié depuis longtemps, et que peu d’érudits y consacraient encore leurs recherches.
Lex se leva, parvenant à tenir la douleur à l’écart. Son bras gauche restait engourdi. Il alla ramasser son bouclier et se le suspendit dans le dos, puis remit son épée au fourreau. Les trois critonniens n’avaient pas bougé. Le malheureux troisième s’était apparemment empalé sur sa lance pendant l’étrange explosion.
Lex jugea qu’il avait eu de la chance. Sans son casque, son crâne eût bien risqué d’être fendu. Ledit casque d’ailleurs était bien cabossé. Il n’osait pas encore l’enlever, de crainte qu’une partie de sa cervelle se répandît librement.
Il fallait partir. Il préférait en effet affronter le marais de nuit et sous la pluie que rester dans ce temple, bien que la chape qui avait pesé sur ces vieilles pierres semblât avoir été levée avec la disparition de l’orbe.
Le vacarme de la bataille n’avait pas attiré d’autres gardes. On pouvait donc en déduire qu’il n’y en avait pas. Et comme Lex n’avait aucune envie de retourner dans les profondeurs obscures pour y croiser de nouveau des crabes géants et autres créatures, il monta les marches vers l’ouverture et écarta les lianes. La plateforme supérieure de la pyramide, présentement battue par la pluie qui avait redoublé, s’offrait à lui. Une demi-douzaine de silhouettes immobiles montait la garde. En approchant, il constata qu’il s’agissait de cadavres de critonniens plantés sur des pieux verticaux. Ils avaient été disposés là pour qu’on les prît de loin pour des sentinelles. Les corps étaient plus ou moins frais, plus ou moins difformes, et aucun n’avait de dents.
C’est alors qu’il comprit que le temple ne devait pas son nom aux cent dents censées s’y trouver, mais précisément à leur absence… ces pauvres bougres étant probablement les Sans-Dents en question.
Il se dirigea lentement vers un des flancs de la pyramide et se mit à descendre avec précaution l’escalier vers le sol. Même en attendant le matin pour partir en bateau, le retour seul dans le marais allait être difficile. Mais au moins aurait-il le temps de se remettre de la trahison de Vant et de réfléchir à la suite des événements.